Apprendre à hurler

Hurler, crier, ça peut faire du bien, à condition de bien le faire.

4 minute de lecture
Par Stéphane
Apprendre à hurler

Apprendre à hurler, ça peut être utile. Surtout quand on en a marre de pleurer, ou que ça ne soulage plus assez. J'en ai eu marre de pleurer un peu trop souvent, genre matin, midi et soir. Ça arrive à tout le monde, ce ne sont pas les occasions qui manquent n'est-ce-pas ? Deuil, plaquage, problèmes professionnels, maladie, angoisses diverses, liste non exhaustive...

J'ai récemment élaboré une nouvelle technique, je ne pense pas qu'elle soit très novatrice, je crois même que des gens font payer pour ce genre de thérapie. Donc, vous l'avez deviné, il s'agit de hurler.

On ne parle pas ici de cri primal, je ne hurle que rarement sous les ponts de chemin de fer, quoique si l'occasion se présente, j'en profite toujours. Quel rapport avec le cri primal et les trains, je n'en sais rien.

Les effets de bord

Après avoir hurlé, je suis calme. Vraiment calme, apaisé. Je n'ai pas dit que cet état va durer longtemps, mais c'est toujours ça de pris. Parfois ça ne dure que quelques minutes, et le tourment reprend, une nouveau hurlement, et je me calme pour une nuit, un jour, parfois plus.

Sans y penser

Je recommence, ou je dois recommencer, ou je recommence sans même y penser. Le but c'est celui-là : hurler sans y penser, simplement, comme une continuation naturelle des pleurs.

Je n'ai pas besoin de pleurer à chaude larmes, ou spasmodiquement, ou bien nerveusement avant de me mettre à hurler, souvent je ne fais que sangloter, il suffit de laisser aller, de se laisser envahir par les pleurs, de se jeter dedans, d'aller jusqu'au fond de son desespoir, progressivement, mais jusqu'au bout, jusqu'à oublier ce que je suis (ou crois être), jusqu'à ne plus rien sentir, jusqu'à être tétanisé, suffoqué, épuisé.

Se laisser aller, oui, peut-être, mais comme un forcené.

Mes séances sont solitaires, bien que quelques uns ont pu en jouir par téléphone interposé, il suffit de s'excuser, de faire sa crise, et de reprendre la conversation.

J'ai l'impression, après la crise, d'être devenu - enfin - honnète, et un peu plus lucide. Malheureusement ces deux effets s'estompent rapidement, je redeviens fourbe, lâche et confus trop vite.

L'honnèteté permet de me justifier plus facilement, je dis enfin ce que je ressens, la vérité (ou une certaine forme de vérité), et je pense que mes interlocuteurs en sont heureux (pour les plus intelligents).

La technique

On peut hurler fort ou pas fort, ça dépend. Ca peut être un cri ou bien juste un gémissement. Dans tous les cas je préfère épargner ça à mes voisins (cela dit ils ne m'épargnent pas beaucoup, eux). Pour étouffer le son (mais l'accessoire a d'autres fonctions) j'utilise soit une serviette soit carrémment toute une couette.

Dans le cas de la couette, il suffit de se jeter dessus, de la prendre à bras-le-corps, d'en faire une grosse boule, d'enfoncer sa tête dedans, d'appuyer très fort sur son visage, d'ouvrir la gueule en grand, et de gueuler, donc. Allongé ou accroupi, sur ou au bord du lit, c'est parfait. L'approche de la couette se déroule comme un voyage au ralenti, je la vois s'approcher lentement, je tombe vers elle, je m'écroule les bras ouverts. Je la saisi, la ramasse et la serre fort. Je hurle à fond. Je hurle tout ce que j'ai dans les tripes, ça me tétanise légèrement, je me met à trembler nerveusement. Quand je n'ai plus d'air dans mes poumons, j'essaie d'inspirer, mais je n'y arrive pas, le tissus est collé trop fort contre mon visage, alors là, j'ai une fraction de seconde ou je me dis que je pourrais en mourir (étouffé) si je le voulais, c'est ma seule pensée à cet instant, et c'est magnifique : j'ai oublié une fraction de seconde la cause de mon malheur. Je décolle mon visage, nouvelle bouffée d'air, je m'en mets plein mes poumons et je replonge, comme ça, deux ou trois fois. Parfois je reste immobile en respirant doucement pour reprendre des forces, et puis je recommence. C'est un exercice physique assez intense. Le visage enfoui je peux hurler, au sens d'emettre un son, mais je n'entends pas grand' chose, il est complétement étouffé, mais je le sens venir, monter, sortir.

Dans le cas de la serviette, je prend une serviette très rugueuse, avec des grosses mailles (on dit comme ça ?), surtout pas un tissu doux. Je la prends dans mes deux mains, sur les paumes, et je plonge mon visage dedans. Ainsi je puis déplacer mes mains sur mon visage et exercer des pressions sur mes yeux ou ma bouche, je peux aussi masser soit juste en bougeant les mains ou entrainer la serviette avec. Le fait qu'elle soit très rugueuse me provoque une myriade de stimulis sur tout le visage qui me font par instant oublier ce (pourquoi) je crie. Avec cette technique je peux entendre si j'émets des sons, ou m'empécher de les produire.

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J'aimerais hurler contre un autre corps, contre un ventre par exemple, en passant les mains autour de la taille de la femme (qui d'autre ? Les psychanalistes apprécieront). Quoiqu'une épaule ou un bras me semblent des alternatives possibles.

Essayez !

Essayez. Je ne sais pas ce que ca pourrait donner devant un psy. En tout cas c'est moins cher :-)


(1) Si un psychanaliste lit ces conneries, qu'il sache qu'elles sont (c) 2000 PretreSLT, et que, de plus, s'il est arrivé jusqu'ici, c'est 225 Francs. Pas cher. Possibilité d'échange contre consultationS (là je suis tranquille, je ne prends pas de risque).


Mai 2000